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Lettre de Farsi à ses victimes: repentance

Paroles de détenus

Extrait de l'Anthologie de témoignages troublants recueillis par Jean-Pierre Guéno dans *Paroles de détenus*

 

 

Lettre de Farsi, écrite en prison et adressée aux victimes du cambriolage qui l'a conduit en prison

 

Le 3 décembre 1986

Monsieur, Madame

Je vous prie tout d'abord de m'excuser pour avoir pris la liberté de vous écrire, et j'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur, bien que vous avez toutes les raisons de me haïr.

Je suis le personnage sensé avoir commis le cambriolage de votre appartement. Mais que je le sois ou non je vais devoir répondre devant la justice de votre cambriolage. Que je sois l'auteur ou pas puisque je dois répondre pour ce vol, je vous fais des excuses bien que cela n'efface pas le mal que je vous ai fait.
Pour ceux chez qui j'ai pénétré j'ai fait mon possible pour ne pas faire trop de dégâts et ne pas trop déranger vos affaires. Ceci non plus ne constitue pas une excuse. J'ai pu lire votre déclaration et je constate que vous ne m'accablez pas et je vous en suis reconnaissant : vous êtes des braves gens que j'en regrette d'autant plus pour le mal que je vous ai fait.

Aujourd'hui, je le paye par la prison ; je le paye en ne voyant plus mes enfants, et je 1 ai payé par ma détention en Valais où j'ai été enfermé dans un cachot sans eau pour me laver, en vivant 24 heures sur 24 dans le noir, sans chauffage, dormant sur une planche sans matelas, avec trois minuscules couvertures, sans pouvoir me laver, me changer, n'ayant pas à ma disposition de papier toilette ; hormis le froid la saleté, cela n a pas suffit : on m'a retiré mes habits pour me laisser dans une nudité totale au point de supplier à genoux pour avoir un slip. J'ai passé huit jours dans ces conditions dans le cachot noir, et quinze jours nu dans une autre cellule. Pour ce qui est de la nourriture, on me la disposait comme a un chien sans jamais voir qui me l'apportait ni voir ce que je devais manger ; je mangeais avec les doigts faute de couvert ; Ceci n'est pas la fin que je dois passer devant la cour d'assise où je suis passible d'une peine allant jusqu'à dix ans ; je dois vous dire que je suis père de quatre enfants qui n'ont plus de mère, et qui à cause de ma condamnation risquent de m'être enlevés et placés à l'assistance publique. Je ne cherche pas à ce que l'on s'apitoie sur moi, mais je tenais à ce que vous le sachiez, afin de vous faire une idée.

Certains diront c'est bien fait, d'autres ne me croiront pas et d'autres encore diront ce n'est pas suffisant, si vous faites partie de ce dernier cas, je vous demande de venir à la barre au tribunal et de demander au juge de m'infliger la punition que je mérite encore.

Je n'ai pas besoin de vous rappeler que je n'ai pas agi avec violence ni agression sur quiconque, alors que la violence est devenue chose commune je me suis contenté de vous voler en vous respectant ; je ne dis pas que c'est bien de voler, mais je l'ai fait proprement, et si j'ai refermé la porte derrière moi, c'est pour éviter aux curieux de voir votre intérieur, et aussi pour que d'autres personnes aussi mal intentionnées visite votre appartement et le saccage, j'ai arraché le cylindre pour que vous n'ayez pas a payer une porte cassée mais laissez moi vous dire que si vous avez trouve un grand désordre c'est que ce n'est pas moi l'auteur du cambriolage, je suis un voleur pas un salaud. Je vais être jugé mais avant je voulais m'expliquer, vous expliquez.

Je vous demande humblement pardon.
Je vous prie d'accepter mes sincères excuses et mon profond regret.

FARSI, Genève

 

 

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